Le groupe Space, Time, and Mirror prolonge et approfondit le travail artistique que je mène depuis plusieurs années autour de l’idée d’un jazz de chambre – une musique qui associerait l’horizon intime et dialogique de la musique de chambre à l’énergie émancipatrice du jazz. Pour ce nouveau sextet, j’ai cherché une instrumentation qui permette la fusion acoustique des timbres comme la superposition tranchante des plans. Le casting du groupe s’est vite imposé. Les musiciens qui m’accompagnent dans ce projet partagent avec moi ce souci du son instrumental, et l’envie d’une musique fluide et plastique, qui puisse naviguer de l’écriture à l’improvisation, du solo au tutti, du concerto grosso à Mingus.
Au cœur de ce projet, il y a la notion d’espace. L’accordéon est peut-être le plus « spatial » des instruments. Il implique en tout cas une double topologie : virtuelle, à travers l’espace harmonique qu’il organise ; et matérielle, à travers les subtiles symétries et dissymétries qu’autorise l’agencement de ses deux claviers. Mais c’est aussi un instrument qui télescope les lieux et les espaces, et dont l’imaginaire renvoie aussi bien au sacré qu’au séculier. Ce sont tous ces jeux de miroir inhérents à l’instrument – du reflet déformant à la vitre sans tain – que j’ai voulu pour ainsi dire difracter à l’échelle du sextet.
La performance qui en résulte se déploie en trois tableaux d’une quinzaine de minutes, confrontant les prises de paroles individuelles librement improvisées à l’écriture du groupe. Au fond, j’ai essayé de retrouver par là quelque chose du sens de la narration que peuvent susciter les grandes formes musicales – une histoire faite d’apparitions et d’effacements, la nostalgie d’un récit fantastique qui a déjà été oublié avant d’avoir pu être raconté.”
Christophe Girard